Accueil Association Diffusion Presse AIMER - Bulletin 32 - janvier 2000

A.I.M.E.R. soutient un nouveau projet en Inde : "Les Galopins de Calcutta". La responsable, Fabienne, nous parle des enfants :

Inde : Des enfants en déroute...

La gare d'Howrah est la gare la plus importante de la ville de Calcutta. Comme tous les matins, des grappes humaines se déversent sur les quais rendant leur accès presque impossible. Des milliers de personnes dans le même train... Au milieu de cette activité débordante, on aperçoit de ci de là quelques enfants, seuls ou en petits groupes.

Eux ne sont pas pressés, eux n'ont nulle part où aller... Certains ont un balai à la main et s'apprêtent à reprendre un train longue distance pour gagner leur pitance. Dans les trains, les balayeurs sont toujours des enfants. Nous apercevons, assis par terre, un petit bonhomme tout seul, son balai à côté de lui. La foule passe à côté sans un regard. Nous nous approchons et découvrons Shiva, environ 5 ans, qui nous sourit dès le premier instant. Il est excessivement sale et n'a qu'un pantalon, trop grand pour lui... Il vient de Mumbai (environ 2 000 km) et va y retourner par le prochain train. Il n'a plus de parents, nous dit-il, mais il veut retrouver son frère... Plus loin, deux gosses, Anilkumar et Alivasha, 7 à 10 ans, sont en train de racler des os et sont tellement pris par leur repas qu'on les effraie quand on commence à leur parler. Nous leur offrons à manger mais ils sont tellement affamés qu'il faut attendre qu'ils aient fini avant de pouvoir parler...

Tout au bout d'un quai, un jeune d'environ 12 ans fouille dans les détritus et mange les restes qu'il y trouve, même ce qui est pourri. Il est légèrement handicapé mental et pour lui, tout est plus difficile. Près d'un bar, deux tout petits vident les dernières gouttes de toutes les bouteilles posées là. Monsoor, 12 ans, est caché derrière une échoppe et a la tête sur les genoux. Il souffre de fièvre et se sent donc vraiment seul et malheureux. Nous trouvons un autre enfant handicapé mental dans un mauvais état, les ongles très longs... Nous lui offrons à manger et nous le voyons défendre sa nourriture comme un chien le ferait... Nooralam, 9 ans, se sent perdu dans cette immensité et nous raconte son histoire : " ses parents ont déménagé et ont dit à l'enfant qu'ils ne désiraient pas qu'il vienne avec eux. Nooralam s'est retrouvé seul et n'étant plus capable de se nourrir, il s'est enfui... " Rakan, environ six ans, que je connais bien vient me trouver un jour pour me demander de prendre sa mère en photo car il pense qu'elle va mourir et veut avoir une photo d'elle pour pouvoir allumer une bougie devant elle... Shantara, jeune sourd et muet, est bien souvent seul et quelques grands profitent de son handicap, de sa faiblesse, pour le faire travailler pour eux. Victimes de mauvais traitements, d'insuffisance de nourriture dans leur famille, beaucoup d'enfants en Inde préfèrent quitter l'univers familial pour se débrouiller seuls. D'autres, pour diverses raisons, se retrouvent orphelins ou même perdus. Ils vivent tous dans des conditions d'extrême précarité et doivent recourir à toutes les astuces, ne serait-ce que pour manger. Ils sont exposés aussi à toutes sortes de dangers : accidents, maladies, malnutrition, abus divers de la part des adultes... Mais le manque le plus évident chez ces enfants, c'est le manque d'attention et d'amour. Je m'appelle Fabienne, j'ai 33 ans et travaille auprès de ces enfants " laissés pour compte " depuis le mois d'avril. Je me rends plusieurs fois par semaine à la gare d'Howrah accompagnée d'un jeune indien qui me traduit les dialogues. Notre but est de répondre aux besoins les plus urgents des enfants (petits soins, don de savon, de vêtements et nourriture si besoin) mais surtout de les écouter et de les inciter à intégrer une structure d'accueil.

J'ai ouvert en parallèle en juillet un foyer destiné à accueillir 10 enfants. Ce foyer accueille aujourd'hui quatre garçons de 7 à 10 ans. L'objectif de ce foyer est de redonner à l'enfant un cadre chaleureux et familial et de lui offrir la possibilité de suivre un bon enseignement scolaire. Sont mis en avant aussi la pratique du sport et l'activité artistique. Les quatre enfants accueillis au foyer sont aujourd'hui des enfants qui semblent bien dans leur peau et qui débordent d'énergie. Deux d'entre eux vont déjà à l'école et nous travaillons avec les deux autres pour les remettre a niveau afin qu'ils puissent réintégrer au plus vite le système scolaire.

Fabienne

Quant aux enfants héros de cet article
  • Shiva est probablement retourné à Mumbai, je ne l'ai jamais revu.
  • Anilkurnar et Alivasha ont été placés à Don Bosco, une organisation s'occupant des enfants des rues.
  • Monsoor s'est fait attraper dans une rafle effectuée en août par les policiers et doit être placé dans un centre de semi-détention.
  • Les deux jeunes handicapés ont disparu sans que l'on puisse faire quelque chose pour eux.
  • Nooralam est l'un des 4 enfants accueillis au foyer. Il va aujourd'hui à l'école.
  • Rakan est toujours à la gare et vit toujours avec sa famille sous un pont au milieu de détritus.
  • Shantara a été placé dans un foyer pour jeunes en difficulté.
  • Les deux petits vidant les bouteilles sont toujours à la gare.



A.I.M.E.R. JANVIER 2000


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